<Glazblog/>

Is this the world we created ?

L'Union Européenne ne cesse de m'étonner en ce moment. Je suis un Européen convaincu, mais je trouve qu'on essaye de plus en plus de me faire prendre des vessies pour des lanternes. Prenons plusieurs exemples.

L'aide au banques en difficulté... On peut être partisan de l'orthodoxie financière à l'allemande ou se dire que seul l'investissement étatique au détriment de la dette peut agir, bon, au moins on agit. Mais dans le second cas, il faudrait tout de même être clair : même si les aides aux banques sont des prêts et non des dons, il s'agit d'une distortion de concurrence. Et une distortion très forte, chaque pays soutenant ses banques à la mesure de ses moyens. Comment donc au même moment comprendre que la France soit condamnée par la Cour Européenne de Justice sur son aide aux entreprises en difficulté ? Seules les banques auraient donc le droit à la mansuétude des Etats et à une bénéfique distortion de concurrence ?

Continuons dans la même veine : il me semblait que l'Europe se fondait sur la modernité, la non-discrimination et l'équivalence des droits fondamentaux pour tous les Européens. L'exception sur la peine de mort souhaitée par la Pologne a ainsi été strictement refusée lors de son adhésion. Comment accepter alors que l'on propose à l'Irlande une exception sur le droit à l'avortement ? Comment tolérer que les femmes irlandaises soient encore contraintes lorsqu'elles en ont besoin à un voyage à l'étranger pour avorter ? L'Europe, c'est fait pour préserver les pratiques dégradantes du début du 20ème siècle ?

Mais allons plus loin. L'Irlande peut préserver son autonomie fiscale. Ah. C'est-à-dire ne pas entrer dans la spirale d'harmonisation de la taxation à l'échelle européenne et préserver des règles locales de TVA qui se passent de l'imprimatur de Bruxelles ? Mais en quel nom ? Pourquoi de nouveau une telle distortion de concurrence ? En quoi les entreprises ou contribuables irlandais devraient-ils être plus favorisés que les Portugais de Covilha ou les Lettons du lac de Lubana, qui eux-mêmes ne nagent pas dans l'opulence ni dans la débauche d'infrastructures ultra-modernes ?

De même, l'Irlande souhaite conserver un Commissaire. Et donc hop, magie, on va avoir un Commissaire par Etat. C'est vrai quoi, s'engueuler à 27 c'est tellement sympa, drôle et efficace. Il me semblait pourtant que dans un système sans distortion de concurrence, seule la compétence devrait prévaloir. La Commission devrait - en pure théorie - être composée des meilleurs dans leur domaine. Alors quelle est la prochaîne étape ? Une exigence de rotation entre les Commissariats importants et les autres ?

Je pense sincèrement que l'Union Européenne fait un complexe FMI. Puissamment sous-tendue par un libéralisme façon ultra, elle n'arrive pas à correctement virer sa cuti pour s'adapter à la faillite de l'ultra-capitalisme qui fait mordre la poussière à toutes ses règles de stabilité.

De toute façon, le réajustement va se faire vite, très vite. Et plus probablement dans le sens voulu par Angela Merkel que dans un autre : on a appris cette nuit que l'Allemagne a eu des difficultés à boucler un tour de table pour un emprunt d'état de 7 milliards de dollars sur deux ans. Tiens donc. Même les "grands" Etats pourraient donc devenir des emprunteurs indignes de confiance. Oooooh. Comme l'Argentine, comme l'Islande. Ooooh. Shocking ! Et on a beau me rêpéter à l'envi que la France ne doit pas "sombrer dans le catastrophisme parce qu'elle dispose de tous les atouts", elle ferait un beau trophée de chasse dans le salon des spéculateurs. Comme l'Argentine en son temps n'est-ce pas...

Au fait, le saviez-vous : une commission vétérinaire créée par le Conseil de l'Europe a donné aux débuts des années 2000 un ultimatum à la France et la Hongrie pour l'arrêt de gavage des oies et des canards à foie gras sous 15 ans... A quand la plaidoirie pour le homard vivant qu'on ébouillante, l'huître qu'on mange vivante ? A ce ryhtme-là, pourquoi pas un monument aux animaux tués et mangés en un million d'années du genre Homo ?

Comments

1. On Friday 12 December 2008, 14:29 by Jacques PYRAT

Je suis toujours surpris de trouver dans un même paragraphe une reconnaissance du bien fondé de l'interdiction de la peine de mort d'un être humain, et de la nécessité de pouvoir tuer un autre être humain.

La différence entre ces 2 êtres humains ?

L'un a agit et est reconnu coupable.
L'autre n'a pas encore agit publiquement et est condamné à mort sans procès équitable.

Au nom de quoi tuer un innocent serait un droit comparable à l'interdiction de tuer un coupable ?

2. On Friday 12 December 2008, 14:36 by Daniel Glazman

@Jacques Pyrat: je m'attendais bien à avoir des commentaires de calotins ici. Jusqu'à présent, seul le Vatican ou presque donne la qualité d'être humain au foetus dès la conception... Merci d'être venu, je vous laisse à votre 19ème siècle.

3. On Friday 12 December 2008, 15:41 by Philip_Marlowe

À propos de la compétence qui devrait prévaloir dans le choix des commissaires européens : le seul commissaire français est celui aux transports, le très-catholique, dynamique et polyglotte, Jacques Barrot. Ça me rappelle quand Georges Sarre était secrétaire d'État aux transports routiers et fluviaux et que certains commençaient à craindre les accidents de péniches...

Mise à jour : il est commissaire européen chargé de la Justice et des Affaires intérieures depuis le 23 avril 2008. Avec ça l'espace judiciaire européen va avancer à un train d'enfer !

Il me semble que les pays petits en population de l'UE ont un avantage sur ceux de plus gros poids démographique : faire une carrière en politique européenne peut faire l'objet d'une véritable ambition. Ce qui fait qu'ils ont plus de chance de proposer des personnes brillantes et capables, au lieu de chevaux de retour dont on ne sait plus trop quoi faire ailleurs, en politique intérieure.

4. On Friday 12 December 2008, 21:48 by Jacques Pyrat

@Daniel Glazman: j'ai fait une petite recherche et suis tombé sur : http://www.ichtus.fr/article.php3?i...
Ainsi, en 1986, le Conseil de l’Europe, dans la résolution 1046, disait que "l’embryon et le foetus doivent bénéficier en toutes circonstances du respect de la dignité humaine". Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans son article 6, reconnaît que "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine, ce droit doit être protégé par la loi ; nul ne peut être arbitrairement privé de la vie", tandis que la Convention américaine relative aux droits de l’homme reconnaît que "le droit à la vie doit être protégé par la loi à partir de la conception". La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme tient le même langage. Pour le droit international, le droit à la vie est reconnu et garanti à l’enfant dès avant la naissance.

Lorsqu’on sait que les conventions internationales ratifiées par la France ont une autorité supérieure à celle des lois, on comprend que le Conseil constitutionnel ait quelques réticences à vérifier la conformité au droit international de la loi Veil, alors qu’il le fait pour d’autres lois. M. Stirn, ancien commissaire du gouvernement, rappelait pourtant que "la biologie rejoint les principes du droit civil pour faire débuter la vie dès la conception" [8]. Le Conseil d’Etat a, par contre, admis implicitement que l’embryon était une personne humaine dès la conception dans deux arrêts du 21 décembre 1990. Son Président, Marceau Long, disait en effet que "l’embryon pouvait être considéré comme une personne" [9].

Et : www.ul.edu.lb/files/tableronde10.doc
On peut donc dire qu’on a juridiquement un être humain dès la conception. Mais être humain n’est pas personnalité juridique. Cette dernière ne s’acquerra que si l’enfant naît vivant et viable, que s’il est replacé ou s’il est in utero. L’intérêt de cette conception est peut-être d’obtenir une certaine continuité en disant que dès la conception il est un être humain, mais sans fixer de seuil. Des droits étrangers, notamment en Grande-Bretagne, ont choisi une autre façon d’approcher la question puisqu’ils ont fixé un statut du pré embryon différent de celui de l’embryon ou du fœtus. Avec notre système, nous avons une continuité et une unité.

Et l'ordre des médecins : http://www.survivants.com/esppublic...
" L’embryon ne peut être réduit, quelle que soit son évolution, à un simple matériau. Il n’y a pas de comparaison possible entre l’embryon humain et celui d’une autre espèce. Entré dès sa conception dans une histoire collective et singulière, l’embryon de nature humaine appartient à notre humanité. Il y va du respect de la personne humaine indépendamment de la qualité propre de cet embryon. "
Déclaration du Conseil National de l’Ordre des Médecins, 21 octobre 1994

Bref, cette question dépasse très largement le cadre d'une quelconque religion.

PS : je m'attendais à une argumentation moins "partisane"...

5. On Friday 12 December 2008, 22:05 by Daniel Glazman

La résolution 1046 est relative uniquement au clonage des êtres humains. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques laisse sans définition "la personne humaine". En l'état, la plupart des Etats européens confirment l'état "humain" de l'embryon mais lui donnent le statut de personne à la naissance. On est ici en terrain juridique : le statut est donné par la Loi. La Convention américaine des doits de l'homme, vous la citez mal : elle parle de "toute personne" et ajoute par rapport à votre prose "et EN GENERAL à partir de la conception". Idem la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne parle que de "personne". L'embryon non né n'a pas le statut de personne, justement. Marcel Long ne présidait pas l'occurence le Conseil d'Etat quand il a dit ça mais seulement une commission d'étude. Vous voulez que je continue ?
Quand on veut être sérieux, on ne cherche pas ses informations sur Ichtus, assez connue pour ses liens avec les groupes pro-life et pour détourner régulièrement l'information à son avantage, sans vérification...

6. On Friday 12 December 2008, 22:46 by Jacques Pyrat

Merci pour ces précisions, fort justifiées.

En pratique, les arguments d'autorités m'intéressent finalement assez peu. Tout ce que je cherchais à montrer, c'est que la question est aussi une question hors du vatican.

Ce qui m'intéresse, c'est de réfléchir à ce qui fait qu'il y a être humain ou non.

De ce point de vu, il y a au moins 2 approches :
- la reconnaissance : l'être humain est être humain seulement s'il est reconnu comme tel (par d'autres être humains, par leurs lois...)
- intrinsèque : l'être humain existe, qu'il soit reconnu ou non

Pour ma part, je préfère la 2e option, parce que justement, elle n'est pas soumise à l'arbitraire et/ou aux caprices de telle ou telle idéologie.

En tant que père, la relation que j'ai avec mes enfants a commencée avant leur naissance.

En tant qu'homme, j'ai souffert de ne pas connaître mes frères et sœurs morts avant leur naissance.

7. On Saturday 13 December 2008, 05:24 by Pierre

@Jacques Pyrat: En tant qu'homme, je me fiche totalement de savoir combien de mes frères et soeurs sont morts avant leur naissance parce que cela arrive naturellement chez au moins 75% des femmes (http://emedicine.medscape.com/artic...), et ce depuis la nuit des temps. La pilule RU486 ne représente qu'un infime pouillème de ce que la Nature a prévu - un fait que le pape oublie opportunément. Donc que ma mère ait perdu des embryons par un rejet de son cerveau plutôt que de son utérus, cela ne change rien pour moi.

Parmi les choses les plus importantes dans ma vie ont été la certitude d'avoir été désiré et l'amour inconditionnel dont j'ai bénéficié, moi ainsi que mes frères. Si en tant qu'homme, je pleurais encore le frère ou la soeur que je n'ai jamais eu, plutôt que nourrir des regrets à propos du potentiel de ceux qui ne sont pas nés, je crois que je m'interrogerai sur l'attention et la présence de mes parents auprès de ceux leurs enfants qui l'ont été. Mais si en plus de cela, mes regrets étaient exacerbés jusqu'à la souffrance par la connaissance que les zygotes absents le furent par un choix des parents dans les jours ou semaines après une fécondation accidentelle plutôt que par leur décision dans les mois ou les années qui la précédèrent, je crois que cela en dirait plus sur ma conduite de vie d'adulte, mon épanouissement, la réalisation de mon potentiel, et surtout la nostalgie de mes propres occasions ratées plutôt que celles d'embryons malencontreux.

8. On Saturday 13 December 2008, 05:44 by Pierre

Second sujet: l'Irlande. À l'origine, le pays le plus le plus pauvre de la Communauté Européenne, elle est à présent le plus riche à l'exception du Luxembourg. Les exceptions qui pouvaient se comprendre dans les années 80 sont maintenant complètement anachroniques. Mais c'est la loi des avantages acquis... Impossibles ou très difficiles à supprimer, surtout quand ceux qui en bénéficient font partie d'une église ou d'un syndicat. Les dogmes ont la vie dure.